Éternel aventurier, Russell Heath a vécu seul dans une cabane isolée pendant plusieurs années en Alaska et en Italie, a voyagé à travers le Sahara, les jungles et les savanes africaines jusqu’en Asie du Sud, a fait un tour du monde en solitaire sur un voilier de 25 pieds de long, et a parcouru à vélo l’épine dorsale des Rocheuses, depuis l’Alaska jusqu’au Mexique. Russell Heath a aussi été lobbyiste au sein de l’assemblée législative de l’Alaska, et a vu de près la politique de l’État. Tous les coups bas, toutes les manipulations des règlements et des procédures, toutes les trahisons dans ce roman se sont produits dans la vie réelle. « Sauf, précise Heath, la dernière. Elle est le fruit de mon imagination. »

INTERVIEW 

En quelques mots, pourriez-vous vous définir ?
Infatigable.

Quand êtes-vous né, où vivez-vous actuellement ? Quelle est votre profession ?
Je suis né dans la banlieue de Philadelphie, et avant même de savoir marcher, je souhaitais déjà en sortir. Dès que j’ai pu, j’ai abandonné l’école et je suis parti en stop en Alaska, où j’ai vécu jusqu’en 2010, date à laquelle j’ai déménagé à New York. Aujourd’hui, je vis dans une petite cabane sur la côte du Maine (près du Canada). J’ai exercé de nombreux métiers : ingénieur informaticien, militant écologiste, romancier, et aujourd’hui coach en leadership.

Quel est votre rapport à la lecture ? Quel genre de livres aimez-vous lire ?
Quand j’étais enfant, les romans de science-fiction m’ont tout simplement sauvé la vie. Ils m’ont ouvert aux merveilles du monde alors que j’étais coincé dans l’insipidité de la classe moyenne américaine. Je ne lis plus beaucoup de science-fiction aujourd’hui, mais les livres, que ce soit de fiction ou non, sont toujours des portes ouvertes vers des mondes merveilleux.

Quelles sont vos inspirations ?
L’Alaska. Mes deux romans s’y déroulent. L’Alaska n’est pas un endroit comme les autres ; elle ne ressemble pas à ces quartiers où se cogner l’orteil sur un trottoir abîmé est la plus grande aventure qui puisse vous arriver. L’Alaska vous malmène et consume votre âme ; elle vous transporte et vous fait vibrer comme une cloche ; elle vous condamne par ses nuits sans fin, son froid intense et son immensité menaçante, si silencieuse que vous vous recroquevillez avec crainte. La plupart des romans qui se déroulent en Alaska caricaturent cet état – moins 50, votre salive qui gèle avant de toucher la neige. Oui, mais à votre avis, qu’est-ce qu’un paysage aussi époustouflant, aussi implacable, aussi bouleversant peut faire à une personne ? Dans mes deux romans, l’Alaska est plus qu’un décor ; c’est une présence enveloppante qui traque chaque personnage. Et personne n’y échappe.

Quels types de personnages et d’intrigues aimez-vous développer dans vos écrits ?
Mes personnages connaissent tous des défis moraux importants et doivent faire des compromis. Ils prennent de mauvaises décisions pour des raisons qu’ils estiment justes et en subissent les conséquences. Mes intrigues, en particulier celle de No Name Bay, sont complexes et offrent un défi intellectuel et émotionnel. Les fins sont psychologiquement et émotionnellement puissantes.

Quelle est l’idée initiale de votre roman ?
Le sud-est de l’Alaska est une région d’une beauté à couper le souffle. Elle abrite la plus grande forêt humide tempérée restante au monde, la forêt du Tongass. Les arbres sont tous majestueux et démesurément hauts. Vous ne pouvez pas vous promener à leur pied sans être bouleversé.
Au cours des 50 dernières années, ces arbres ont été abattus avec une désinvolture criminelle. L’exploitation forestière m’a indigné et j’ai nourri le fantasme de saboter les engins forestiers qui ravageaient la forêt. Je savais que cela ne ferait aucune différence, une autre société d’exploitation forestière prendrait simplement sa place, mais ce serait incroyablement satisfaisant. Je me suis dit : qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? Je pourrais me glisser dans un camp d’exploitation forestière au milieu d’une nuit sans lune, détruire leurs machines et m’enfuir sans que personne ne m’attrape. Et, que se passerait-il si quelqu’un d’autre était accusé de mon crime ? Et si cela arrivait, que ferais-je ? Bonne question. C’est ce qui a donné naissance à cette histoire.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire sur ce sujet ?
Depuis sa création, l’État d’Alaska est partagé par des intérêts divergents, principalement sur la façon dont il convient d’utiliser ses vastes ressources. Faut-il laisser la terre à l’état sauvage ? Ou l’exploiter ? Que faire des peuples amérindiens qui y vivent depuis des générations ?
La lutte est féroce, sans issue, et divise chaque génération qui se succède. Mon souhait était de mettre en lumière la façon dont des individus ordinaires pouvaient être poussés au crime et à la trahison pour défendre une cause qui leur paraît juste. Je voulais écrire un roman où chaque personnage était un méchant pour les autres.

Qui sont les personnages principaux de votre roman ? Comment les décririez-vous ?
Chacun des quatre personnages aime l’Alaska, mais d’une manière différente. Leur combat pour leur vision des choses pousse chacun d’entre eux à franchir la ligne rouge. Rinn Vaness : Un solitaire qui est venu en Alaska pour vivre dans la nature. Il est cynique et résigné – les pressions industrielles qui détruisent la forêt sont trop écrasantes pour qu’on puisse les arrêter. Kit Olinsky : Une mère. Elle se bat pour préserver la vie sauvage de l’Alaska, mais elle est mal à l’aise avec les compromis qu’elle est amenée à faire. Dan Wakefield : Un Amérindien d’Alaska qui se bat pour obtenir ce qui avait été promis à son peuple, une promesse qui n’a pas été tenue. Billy Macon : Un homme politique qui a construit sa vie en Alaska, et qui est convaincu que les ressources de l’État devraient être utilisées pour créer des emplois pour les travailleurs honnêtes.

Qu’aimeriez-vous que les lecteurs éprouvent en lisant votre roman ? Que voudriez-vous qu’ils en retiennent ?
Tout d’abord, je souhaite que les lecteurs éprouvent une vive émotion ; l’histoire se lit d’une traite. Ensuite, j’espère qu’ils se sentiront interpellés moralement. Chaque personnage enfreint la loi, trahit ses amis et s’allie à l’ennemi pour défendre une cause juste. Ont-ils raison de le faire ? Jusqu’où une personne peut-elle aller pour défendre ce qui lui paraît juste ? Enfin, ils seront mis au défi intellectuellement : c’est une histoire complexe et ils devraient apprécier la façon dont toutes les intrigues parallèles se rejoignent à la fin.